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Les lectures de la Louna
5 octobre 2008

Carnets littéraires, suite...

 519B1E8H7CLLe Serrurier volant est le seizième carnet littéraire publié par les éditions belges Estuaire. Je vous ai déjà parlé des carnets littéraires en vous présentant celui réalisé par l'écrivain Michel Quint et le photographe Dérouineau, l'excellent « Corps de ballet ».

Ici le principe est toujours le même, il s'agit d'une œuvre à quatre mains, celles d'un écrivain et celles d'un artiste contemporain, réalisée spécialement pour cette collection. L'un écrit, l'autre illustre mais l'histoire se construit à deux. Les deux artistes travaillent ensemble, l'image n'est pas au service du texte, ce sont deux expressions solidaires.
Voilà l'objectif de ces carnets exprimé par l'éditeur lui-même « Des écrivains s'associent à des gens de l'image pour créer des ouvrages littéraires d'un genre nouveau. Nouveau, parce que remettant en question l'acte même de lecture dans ses rythmes et ses codes ; l'acte de création ayant lui-même été modifié par la nécessaire alliance entre l'écrivain et l'intervenant graphique. »
Vous allez me dire, d'accord c'est une BD, et je vous répondrez que non car le texte garde une forme et un format d'impression romanesque. Il est parsemé d'images.
Et le résultat de ceux que j'ai lu est remarquable.

Je ne pouvais pas ne pas vous parler de ce carnet là qui allie deux pointures de l'écriture et de l'illustration, j'ai nommé messieurs Tonino Benacquista et Jacques Tardi…



Carnet littéraire

Pour une fois, commençons par la fin de l'ouvrage, qui n'est pas, je vous rassure, la fin de l'histoire.
Cette collection a la particularité de livrer un peu de la création de l'oeuvre à la fin des livres dans une partie intitulée « le Carnet ».

Le carnet de Benacquista et Tardi commence par une photo carrée en noir et blanc des deux auteurs assis sur les marches d'un escalier en métal. Ils ne posent pas, ils discutent, Tardi a la main sur l'épaule de son Tonino, on sent la connivence, l'amitié.

S'ouvre alors, une double page. La première est consacrée à Benacquista. Son mot sur « le Serrurier volant », ses envies lors de la création. Après avoir exprimé son honneur de travailler avec Tardi, il exprime les hésitations qu'ils ont eu à partir sur différentes pistes puis explique « une chose pourtant nous paraissait acquise : nous allions faire nôtre cette citation du frère de Robert Mitchum : « On ne va quand même pas se laisser emmerder par un fait réel pour raconter une bonne histoire. »
La deuxième page est consacrée à Tardi qui lui aussi énonce les envies qu'ils avaient d'univers, l'influence du cinéma qui est une passion commune, etc. pour aboutir à ce fameux serrurier volant.

Suivent alors quelques dessins de Tardi, leur évolution de leur état de croquis à la version finale couleur sépia.

Et puis il y a le mot de l'éditeur, Didier Platteau, qui raconte comment les deux artistes ont choisi de travailler ensemble le même jour sans se concerter. Je vous raconte la journée de l'éditeur.
Chez Benacquista à Paris, l'éditeur lui présente le projet des carnets, l'auteur est séduit mais hésitant. Au moment de proposer un nom de collaborateur il annonce directement « c'est impensable, il doit être surchargé » avant de nommer Tardi que l'éditeur rencontrait le soir même. Le soir monsieur l'éditeur recommence son exposé des carnets mais chez Tardi, séduit lui aussi il propose un nom d'auteur : Benacquista… Jolie histoire ! C'est ainsi qu'a commencé la gestation du « Serrurier volant » car à en croire le carnet il a fallu beaucoup de travaille et de cheminement pour arriver au résultat.

 

Le Serrurier volant: L'histoire

Marc est un type sans histoire, surprenant pour un roman de Benacquista qui a le don d'imaginer les histoires les plus surprenantes, mais ça n'est que le début. Marc est un type sans histoire, qui ne veut pas d'histoire. Pourtant son conseiller ANPE lui propose une formation de convoyeur de fonds, il a le profil pour ce métier pas si anodin.
La vie de Marc suit son cours de convoyeur de fonds, jusqu'au jour où… (vous devinez ???) son fourgon est victime d'un braquage… (et oui, il n'allait pas finir à la retraite, sinon quel intérêt d'écrire un roman ??)
Marc est le seul survivant, mais il reste dans un état très très grave. Il ne voit plus la vie du même œil, mais finit par s'en sortir en devenant serrurier volant. Durant ses interventions il est amené à faire la rencontre de clients et clientes parfois étranges dont il entre parfois dans l'histoire. Il se contente d'ouvrir les portes jusqu'au jour où un homme lui présente un objet inattendu… la vie de Marc prend alors une fois encore un sens nouveau que je vous laisse découvrir…

 

Les illustrations

Sur ton sépia, Tardi nous illustre la routine, la vie tranquille dans un pavillon de banlieue, l'attaque du fourgon, le bouleversement de la vie, la vie de serrurier la nuit, etc.
La couleur sépia nous plonge dans une époque intermédiaire, qui nous conduit à imaginer l'histoire entière de cette couleur. Le sépia renforce l'effet polar, il semble nous emmener dans un vieux film policier en noir et blanc. L'effet cinéma est très réussi.
Les traits du style de Tardi marquent la vie sur les traits des personnages. L'univers ainsi créé est vraiment fort.


A lire ?

A lire, bien sûr ! La plume de Benacquista tout comme  le coup de crayon de Tardi sont  absolument délectables.
J'aurais simplement un petit reproche à faire au scénario que je trouve un peu trop gentil. Et oui, connaissant les antécédents des deux auteurs je m'étais attendu à quelques choses de plus stupéfiant, pour ne pas dire trash. Benacquista m'a habituée à des personnages beaucoup plus incisifs, celui de Marc reste assez pâle par rapport à ceux de ses autres romans.
La fin est du type « tout est bien qui fini bien » me semble un peu sage… J'aurais aimé que le personnage soit plus jusqu'au-boutiste. C'est ce que j'aime chez Benacquista, sa plume acérée, sans concession et ici elle est un peu moins pointue. Je ne m'attendais pas à un « ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfant » de la part de ce duo explosif. Je vous rassure, je caricature un peu mais ça fait un peu cet effet-là. Et je trouve cela dommage, c'est ce qui lui vaut une étoile en moins dans mon évaluation…
Ceci dit, le scénario est quand même assez original et possède la pointe d'ironie qu'on attend de Tardi et Benacquista dans le retournement de situation dont j'ai évité de vous parler pour ne pas affadir votre lecture. Ce livre reste sans aucun doute un livre à lire et à regarder…

      

Le format

Tout ça est publié sous un format original auquel les amateurs de littérature et les fous du papier ne pourrons pas résister.
Ce carnet littéraire au format 13x19, qui reste encore facilement transportable, possède une couverture souple au coins arrondis à la manière des carnets de notes. Un vernis brillant expose le titre et les auteurs, sous un trou de serrure au travers duquel on peut voir Marc et sa casquette jaune de serrurier. Un jaune vif, qualifié de jaune « kodack » par l'éditeur, repris sur la tranche. Car chaque carnet a sa propre couleur. Un bel objet de qualité qui a une place a tenir dans une bibliothèque tant pour sa qualité artistique que pour son grain. Une collection qui vaut le détour.

Ce roman est aussi disponible en poche.

Bonne lecture !

ISBN : 2 87443 018 8

 

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